Duvant G, Nuytens W (2019) « Ce que la télévision peut faire aux arbitres », Revue française des sciences de l’information et de la communication

Résumé : Les arbitres eux-mêmes, les institutions sportives et les chercheurs dénoncent régulièrement le traitement réservé aux officiels à la télévision. Critiqués, dénigrés, remis en cause pour leur incompétence supposée, les officiels demeurent vulnérables et sont particulièrement exposés. Les journalistes et commentateurs sportifs jettent le discrédit sur les directeurs de jeu, en exerçant leur activité professionnelle à la télévision. En dépit de ces affirmations, peu de travaux scientifiques se sont intéressés au traitement télévisuel des arbitres lors des rencontres sportives. Cet article propose d’examiner les commentaires réservés aux arbitres pour observer s’ils contiennent les preuves d’un mauvais traitement. Nous émettons l’hypothèse que deux types de travail journalistique peuvent être observés : celui qui conduit les commentateurs sportifs à établir la critique des prestations arbitrales, à les évaluer et donc à porter un jugement ; et celui conduisant à développer des propos systématiquement à charge en direction de la corporation des arbitres, un journalisme des « coups ». La thèse défendue ici fait le pari d’un traitement médiatique évoluant en fonction de l’activité sportive, de la fréquence de sa médiatisation, des commentateurs et des propriétés de la mise en spectacle. Nous proposons ainsi d’analyser le traitement des arbitres à la télévision dans trois sports : le football pour sa forte médiatisation, le hockey-sur-glace dont la diffusion croît et le water-polo pour le faible nombre de retransmissions télévisuelles et sa confidentialité. Nous nous sommes intéressés à ce que disaient les commentateurs à propos des arbitres ou de leurs décisions. Le discours produit a fait l’objet d’un double traitement fondé sur un examen lexical fréquentiel permettant d’évaluer la régularité supposée d’un discours catégorisé et sur une analyse contextualisée au type de pratique favorisant une posture plus qualitative. Ainsi l’analyse de contenu et l’analyse de discours ont éclairé les versants quantitatif et qualitatif des productions discursives, et leur articulation a favorisé la poursuite de quatre objectifs : décrire « de quoi » le journaliste ou le consultant parle ; revenir sur « comment » il en parle ; représenter ce qui structure sa pensée et « interpréter » le contenu de ses interventions (Fallery, Rodhain, 2007). Cette méthodologie est mobilisée pour rendre compte de ce que la télévision peut faire aux arbitres.